Dopés par un coût de l’argent faible, l’explosion de l’e-commerce pendant la pandémie et l’habitude prise par les jeunes de payer sur leur smartphone en plusieurs fois, les pure-players du paiement fractionné ont connu leurs heures de gloire. Leur offre est séduisante : elle permet aux consommateurs de payer leurs achats en plusieurs versements (sur une période de plusieurs semaines ou mois) et généralement sans intérêt. Ces sociétés facturent ensuite aux sites d’e-commerce et aux enseignes des frais sur chaque transaction. En 2021, on recensait une centaine d’acteurs dans le monde sur ce marché en pleine explosion. Les leaders mondiaux sont le Suédois Klarna, l’Australien Afterpay et l’Américain Affirm, selon ResearchAndMarkets.com.

Ces dernières années, ces Fintechs spécialisés dans le Buy Now Pay Later (BNPL) ont bénéficié d’un contexte très favorable. Leurs solutions, disponibles le plus souvent via des applications, paraissaient simples (autorisation rapide par l’opérateur qui se livrait à une analyse des risques- scoring- simplifiée) et sans douleur aux yeux des consommateurs (puisque sans taux d’intérêts ou frais de service). Résultat : ces nouveaux acteurs ont rapidement gagné en visibilité, y compris par rapport aux banques traditionnelles qui proposaient le paiement en plusieurs fois depuis des années. Selon Worldpay (Global Payments Report), le BNPL est le moyen de paiement qui connaîtra la plus forte croissance, à la fois en ligne et en magasins, dans les années à venir, face notamment à la carte de crédit.

Pourtant, en 2022, le changement de décor est complet. La sortie chaotique de la pandémie et l’invasion de l’Ukraine, en février, ont « donné naissance à un autre monde », selon Sebastian Siemiatkowski, PDG de Klarna lors de la présentation du rapport annuel le 23 mai. C’est la fin de l’état de grâce. Le retournement de conjoncture (inflation, ralentissement de la consommation, hausse des taux d’intérêt) met à mal le business model de ce mode de paiement.

Pour ces étoiles montantes des prestations de paiement, le réveil est brutal. Après avoir vu leurs cours, leur CA et le nombre de leurs partenaires retailers s’envoler, elles font l’expérience de la dure réalité des chiffres. Klarna, leader mondial (447 millions de clients, 400.000 commerçants) constitue le plus bel exemple de ce revirement. Créée en 2005, réalisant un volume d’affaires de US$ 80 milliards sur l’exercice 2021, l’entreprise a vu sa valeur s’effondrer, passant de US$ 45 milliards en février 2021 à US$ 6,7 milliards en juillet 2022. Le groupe va réduire les effectifs de 10% (sur un total de 7000 salariés).

La remontée des taux directeurs par les Banques Centrales, en passe de s’accélérer, va renchérir le coût du crédit et grignoter les faibles marges que pratiquent ces Fintechs sur ces financements. De son côté, l’inflation fragilise les consommateurs les moins favorisés, en particulier les jeunes, premiers adeptes de ces formules. Au Royaume-Uni, avec l’inflation, certains consommateurs ont commencé à recourir au BNPL pour régler leurs courses alimentaires ou leur plein d’essence. Les investisseurs surveillent désormais avec attention les taux de défaut affichés par ces acteurs d’une forme allégée du crédit à la consommation. Pour Klarna, ce taux s’élève à 0,6% au plan mondial, le groupe précisant avoir « resserré une nouvelle fois ses conditions d’octroi pour refléter l’évolution du contexte du marché ».

Par ailleurs, ce secteur est désormais placé sous haute surveillance par les gouvernements qui cherchent à éviter les risques de surendettement. Car si les commissions sur le BNPL sont généralement à la charge des commerçants, les pénalités en cas de retard de paiement peuvent être lourdes pour le client final. Selon une association de consommateurs britanniques, Citizen Advice, quatre utilisateurs sur dix au Royaume-Uni ont des difficultés à faire face aux échéances. Elle a même rebaptisé ce service le « Buy Now Pain Later » (« Achetez maintenant, souffrez plus tard »).

Jusqu’à présent, ce mode de paiement avait échappé par sa nouveauté à un strict encadrement par les régulateurs. Il était plutôt considéré comme une facilité de paiement. En France, par exemple, le BNPL n’est pas couvert par la législation sur les crédits à la consommation. C’est un trou dans la raquette de la loi Lagarde de 2011. D’après ce texte, un emprunt inférieur à € 200, et/ou remboursable dans un délai inférieur à 3 mois n’est pas soumis aux règles du crédit à la consommation.

Mais aux USA, au Royaume-Uni et en Europe, les régulateurs étudient de nouveaux projets de textes pour contrer l’explosion sans contrôle du BNPL. Au RU, la Financial Conduct Authority (FCA) reproche à certains acteurs l’opacité de leurs conditions générales de vente et prépare une nouvelle réglementation pour 2023. En Europe, les 27 viennent de tomber d’accord pour renforcer la directive européenne sur le crédit à la consommation, datant de 2008, en intégrant ces nouvelles formes de crédit fractionné. Il faudra que « les consommateurs comprennent ce à quoi ils s’engagent [et améliorer] les règles d’évaluation de leur solvabilité », c’est-à-dire leur capacité à rembourser le crédit, indique le projet de directive.

Quoiqu’il en soit, le marché du BNPL attire les convoitises. D’où l’intérêt que lui porte de gros opérateurs. Les grandes banques commencent à racheter des spécialistes du BNPL à l’instar de Floa racheté par BNP Paribas. Et Apple veut également sa part du gâteau. Récemment, le géant américain a annoncé son projet de lancer son propre service de paiements différés sous le nom d’Apple Pay Later. Celui-ci permettra de régler ses achats en 4 fois sans frais sur 6 semaines. Lancé en partenariat avec le réseau Mastercard, aux USA uniquement, il sera intégré dans l’application Wallet (portefeuille électronique) d’Apple.

Mais aux USA, au Royaume-Uni et en Europe, les régulateurs étudient de nouveaux projets de textes pour contrer l’explosion sans contrôle du BNPL. Au RU, la Financial Conduct Authority (FCA) reproche à certains acteurs l’opacité de leurs conditions générales de vente et prépare une nouvelle réglementation pour 2023. En Europe, les 27 viennent de tomber d’accord pour renforcer la directive européenne sur le crédit à la consommation, datant de 2008, en intégrant ces nouvelles formes de crédit fractionné. Il faudra que « les consommateurs comprennent ce à quoi ils s’engagent [et améliorer] les règles d’évaluation de leur solvabilité », c’est-à-dire leur capacité à rembourser le crédit, indique le projet de directive.

Data - Chiffres clés

  • Entre 2019 et 2021, le BNPL est passé de US$ 33 milliards de transactions à US$ 120 milliards (GlobalData).
  • Dans l’e-commerce, la part de marché du BNPL doit passer de 2,9% (US$ 157 milliards) en 2021 à 5,3% (US$438 milliards) en 2025 (source Worldpay)
  • En magasins, en 2021, le BNPL représentait 1,9% des transactions réalisées en Europe (source Worldpay)

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